Jusqu’au 12 mars, les Orléanais sont invités à faire un « geste simple et concret » : inscrire le nom d’une personne victime d’agression sexuelle sur un ruban, et l’accrocher sur les grilles de la cathédrale. Une manière de rendre visible une situation dramatique, et de témoigner de la solidarité envers les personnes victimes.
Mettre des prénoms sur des chiffres. Voilà l’une des multiples raisons qui ont poussé le mouvement « Rubans contre l’oubli » à s’installer en France. L’idée est simple : dans un lieu désigné, toute personne peut venir écrire sur un ruban coloré le nom d’une personne qu’elle connaît et qui a été victime d’agression sexuelle. Ruban à, ensuite, accrocher sur place.
Après une première en 2023 à Lourdes, lors d’une assemblée plénière des évêques, l’initiative s’installe cette semaine sur les grilles de la cathédrale d’Orléans, jusqu’au 12 ou 13 mars. « On l’a proposé à Lourdes, et Orléans est le premier diocèse qui a accepté de le faire« , explique Véronique Garnier.
Coresponsable du service de protection des mineurs sur le diocèse d’Orléans, elle décrit l’importance de cette opération. Un « petit geste simple et concret« , pour « dire qu’on n’oublie pas les personnes victimes d’agressions sexuelles dans l’enfance ou à l’âge adulte, au sein de l’Église plus particulièrement, mais aussi au sein des familles« . Un moyen aussi de « rendre visible l’invisible » :
Les personnes agressées sont là, on ne les voit pas. Les personnes qui pensent aux victimes, on ne les voit pas non plus. Chaque ruban représente une personne agressée, mais aussi une personne qui pense à elle.
Véronique Garnier, co-responsable du service de protection des mineurs, diocèse d’Orléans
Le mouvement est né en 2015 en Australie. À l’époque, une commission organise des auditions publiques de personnes ayant été victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Église catholique. « Les citoyens de la ville ont été bouleversés par les témoignages, se souvient Katherine Shirk Lucas. De manière spontanée, ils ont accroché des rubans devant des écoles catholiques et autres institutions où les abus sur enfants ont été dramatiques.«
Enseignante en théologie à l’Institut catholique de Paris, elle se charge aujourd’hui de la communication de « Rubans contre l’oubli », et participe à sa diffusion à l’international. Car, selon elle, en Australie, ça porte ses fruits : « Ça s’est très bien développé, il y a un réseau de soutien des personnes victimes, des groupes de parole, toutes sortes d’initiatives.«
Elle se dit « reconnaissante » que le diocèse d’Orléans ait accepté de participer à cet élan. L’évêque d’Orléans, Jacques Blaquart, semble d’ailleurs être l’un des évêques les plus investis en France sur la problématique des agressions sexuelles au sein de l’Église.
Pour Véronique Garnier, s’investir au sein de l’Église était une évidence. Elle-même a été victime d’une agression sexuelle dans un autre diocèse, lorsqu’elle était encore enfant. « On vit, on survit par moments, comme on peut. Et un beau jour, on se relève un peu plus, et on a envie de tout faire pour que ce qui nous est arrivé n’arrive pas à d’autres jeunes.«
Sous les tours de la cathédrale d’Orléans, les rubans sont à disposition du public. Véronique Garnier et Katherine Shirk Lucas espèrent désormais que « des personnes vont se saisir de ce geste« . Et que, l’année prochaine, d’autres diocèses sauteront le pas.
Selon un rapport de 2021, publié par la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), 216 000 mineurs ont été victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres, diacres, religieux ou religieuses entre 1950 et 2020. Après les cercles familiaux et amicaux, l’Église catholique est le milieu où la prévalence des violences sexuelles est la plus élevée.
Avec Samuel Collin.
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