Il y a 80 ans, la mort de Max Jacob ébranlait le milieu littéraire

Il y a 80 ans, la mort de Max Jacob ébranlait le milieu littéraire

HOMMAGE – Le 5 mars 1944, le poète, peintre et écrivain Max Jacob mourait en déportation. L’occasion de revenir sur le parcours spirituel tumultueux de celui qui fut un pilier de la vie artistique parisienne dans les premières décennies du XXe siècle.

Il est 11 heures dans la paisible commune de Saint-Benoît-sur-Loire, en ce matin hivernal, quand une auto vient troubler la quiétude des lieux. En sortent des policiers en civil, qui frappent à la porte d’un écrivain venu passer sa retraite dans ce village, près des reliques de saint Benoît de Nursie. Au bout de quelques minutes, « Monsieur Max », comme l’appellent les habitants, se fait sortir de chez lui, l’air résigné. Le vieillard s’y attendait, les attendait presque : plusieurs de ses frères et sœurs ont déjà été déportés, victime de la politique antijuive de l’occupant allemand. Nous sommes le 24 février 1944, et débute pour le poète catholique Max Jacob un calvaire de plusieurs jours, qui finira par sa mort, le 5 mars, au camp de Drancy.

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En parallèle de ce chemin douloureux démarre une véritable course contre la montre, dans le petit monde des artistes parisiens : il faut le sortir de là, qu’il soit libre Max. C’est qu’avant de devenir le pieux ermite de Saint-Benoît, Max Jacob était un des principaux acteurs de la bohème de Montmartre, et même une véritable institution dans le milieu pendant la première moitié du siècle. Il tire de ces décennies un réseau d’amis (ou d’anciens amants) qui sont pour certains hauts placés… et en bons termes avec la hiérarchie allemande. André Salmon, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Marcel Jouhandeau s’activent, le branle-bas de combat est décrété, et chacun fera des pieds et des mains pour faire libérer leur pauvre ami, qui vit ses débuts de réclusion dans les geôles d’Orléans.

Là-bas, il passe quatre jours au milieu d’autres détenus, souvent malades, affamés, qu’il soigne et tente de distraire tant bien que mal. Il fait ce qu’il a fait toute sa vie, depuis l’école à Quimper, jusqu’aux soirées endiablées, souvent décadentes, de Paris : il joue le pitre, plaisante, énonce des horoscopes (bien que l’avenir des prisonniers, en cette année 1944, ne soit sans doute pas la chose la plus douce à prédire) et chante des airs d’opérette. Grâce à la complaisance des gendarmes, il arrive à faire passer quelques SOS à ses amis, à leur donner des instructions pour agir efficacement et contacter les bonnes personnes. Mais son attitude est ambivalente : il compte sur ses proches pour se démener, et paradoxalement semble accueillir son destin pleinement. Ainsi, il réclame l’aide d’untel, et annonce à tel autre « Je remercie Dieu du martyre qui commence ».

Le plus décevant est sans doute Pablo Picasso, son ami de toujours, son parrain, qui ne lève pas le petit doigt et le trahit trois fois

Il voit se profiler le dénouement d’une longue vie à chercher la sainteté. Sa mort, qui l’a angoissé toute sa vie (presque autant que son homosexualité), semble désormais apparaître de manière libératoire. La tentation de la débauche, omniprésente en liberté, n’est plus. Il est mis dans un train pour Drancy, où il arrive en bien mauvais état : il tousse de plus en plus, au point d’être rapidement admis à l’infirmerie du camp. Il y réclame un prêtre. Depuis ses premiers écrits, il a essayé d’imaginer sa mort. Il en a parlé dans ses poèmes en prose (Le Cornet à Dés), dans ses romans (Saint Matorel), son autobiographie (La Défense de Tartufe), et à chaque fois craint le pire : s’être éloigné de Dieu, mourir encore plus loin de lui. Il a prié des centaines de fois que saint Joseph et sainte Marie lui accordent une « bonne mort »: « Mon Dieu, faites que je sois prêt ! on ne meurt qu’une fois, et le jugement est pour toujours. ». Alors, inlassablement, il ne réclame qu’une chose aux infirmières et aux geôliers : un prêtre.

Pendant ce temps, ses amis essaient d’argumenter auprès des autorités allemandes en minimisant la judéité de Max Jacob, insistant sur son enracinement breton, sur sa foi catholique… rien n’y fait. Du reste, le poète n’a jamais renié ses origines juives, voyant seulement dans le christianisme leur aboutissement. Pour lui, « Si les juifs ont dû être cruels envers le Christ pour que la religion devînt universelle, leur mission est terminée et ils doivent se convertir ».

Max Jacob semblait justement avoir subodoré, vers la fin de sa vie, qu’il ne tirerait pas son salut (ni spirituel, ni terrestre), de ses relations dans le monde. La suite lui a donné raison : le microcosme d’artistes auprès desquels il était si bien introduit ne lui est d’aucun secours. Le plus décevant est sans doute Pablo Picasso, son ami de toujours, son parrain, qui ne lève pas le petit doigt et le trahit trois fois, comme le fit saint Pierre avec le Christ. D’abord par une commode pirouette, quand on lui demande d’agir pour faire libérer le prisonnier : «Ce n’est pas la peine de faire quoi que ce soit. Max est un ange. il n’a pas besoin de nous pour s’envoler de sa prison ». Peut-être animé par la même lâcheté, il ne se rend ni au premier enterrement de Max Jacob, au cimetière d’Ivry, ni aux obsèques de Saint-Roch, le 25 mars : « Tous ceux qui s’y rendront seront arrêtés », annonce-t-il à tort. La tombe du poète sera transférée à Saint-Benoît en 1949, conformément à ses vœux, et il sera même reconnu plus tard « poète mort pour la France ».

Peut-être le mystique s’est-il replongé, avant d’expirer, dans un de ses premiers examens de conscience :

« Mon Dieu ! donne-moi l’innocence !
À Jésus, mourant sur la croix,
Évite en moi toute résistance
Et délivre-moi des combats.
Il vaut bien mieux vivre en martyr
Que de haïr. »

Il est 21 heures. Le prêtre n’est pas venu, mais l’essentiel est fait. Max Jacob et la vie se quittent en bons termes.

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