« Le pâtissier au restaurant n’est plus un cuisinier loupé ». Dixit Sébastien Vauxion, récemment désigné « meilleur pâtissier de restaurant du monde », pour ses audacieux mariages de saveurs, « oignons-châtaignes » ou « champignons noirs-café » qui ont séduit la haute gastronomie.
Ce titre honorifique décerné par Les Grandes tables du Monde est venu s’ajouter début février aux deux étoiles de son restaurant le Sarkara à Courchevel, la première en 2019, la seconde en 2020 – inédit en pâtisserie.
Une nouvelle consécration pour ce fils de maraîchers que le Gault et Millau présente comme un « pionnier » et pour ses créations qualifiées d' »ébouriffantes » sur le site du guide Michelin.
« Le pâtissier au restaurant n’est plus un cuisinier loupé, avant moi il y a plein de gens qui ont oeuvré en ce sens », explique à l’AFP Sébastien Vauxion depuis sa cuisine, sur les flancs de la vallée de la Tarentaise.
« L’esprit que j’ai initié à travers ce restaurant se répercute dans beaucoup d’assiettes de pâtissiers, cet esprit très végétal, cette ouverture sur le légume », dit-il.
Ouvert en 2017 au sein du K2 Palace, son « restaurant de desserts » propose des menus en plusieurs plats.
Le chef pâtissier de 40 ans travaille arômes, cuissons et textures. Le céleri-rave rôti au beurre chante dans la poêle tandis que dans un coin, une pâtissière souffle des effeuillés de sucre.
Couteau prêt à éplucher, il sourit: « des pâtissiers avec un oignon dans les mains, ça n’arrive pas souvent ». C’est pourtant un légume qu’il « adore », sucré quand il est cuit très lentement, « puissant » dans une cuisson vive.
« Il a révolutionné une partie de la façon de faire en cuisine en apportant un peu de mélange entre sucré et salé dans un restaurant, en étant un peu plus pointu qu’un chef », observe Christophe Marguin, président des Toques blanches lyonnaises, association de chefs défenseurs de la gastronomie.
« Je suis pâtissier de formation et je n’ai jamais travaillé en cuisine. Seulement, année après année, mon travail sur les desserts a évolué, je me suis mis à travailler les fruits, puis les légumes, à la façon d’un cuisinier: en les faisant cuire, rôtir, en les braisant, en les associant ensemble, en créant des sauces et non plus des crèmes ou de simples coulis pour les accommoder. J’en suis venu à cuisiner la pâtisserie », explique Sébastien Vauxion.
‘Intelligence de coeur
Dans ses poêlons de fonte, le chef pâtissier place délicatement des noisettes torréfiées et de l’emmental au jus brun de topinambour sur une omelette. Son « topinambour-truffe noire mélanosporum » côtoie le « cerfeuil tubéreux épice » au jus d’arbousier sur le menu à 350 euros.
« On est dans un côté hors-norme de la pâtisserie parce que l’on cuisine, on marche beaucoup au goût, il y a très peu de recettes. C’est plutôt rigolo », estime son sous-chef-pâtissier, Nicolas Mormile.
Petit, Sébastien Vauxion allait « embêter les pâtissiers », à Orléans, dans la boutique de ses oncles. Ses parents étaient producteurs de plants de légumes.
« Je me souviens les week-ends de pièces montées. C’était exceptionnel. Il y avait le côté très gourmand avec ces odeurs de caramel, de choux, de crème pâtissière, mais il y avait aussi le côté artistique », raconte-t-il.
A 14 ans, il sait qu’il veut devenir pâtissier. Il quitte le lycée quelques mois avant le bac et se lance: CAP, BEP, école de pâtisserie d’Yssingeaux (Haute Loire).
Le chef pâtissier s’est ensuite formé aux côtés de grands noms: Pierre Hermé, Yannick Alléno, et surtout chez Pierre Gagnaire, pendant une dizaine d’années.
« Il est rentré chez nous avec un esprit bagarreur », se remémore ce dernier, « puis très vite il a fait preuve d’une véritable intelligence de coeur et d’un talent indéniable ».
« Je suis frappé aujourd’hui par sa modestie sereine », confie le chef trois fois étoilé depuis 1996.
« Impensable » pour Sébastien Vauxion de se retrouver sur scène pour recevoir le prix de « meilleur pâtissier du monde »: « j’avais envie de m’asseoir, je me suis mis à trembler ».
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