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Les historiens n’hésitent pas à le qualifier d’« un des personnages les plus extraordinaires du XVIe siècle », bien que son nom ne vous dise sûrement pas grand-chose. Tout au plus vous évoquera-t-il la ville de Bannost-Villegagnon, à l’est de la Seine-et-Marne. Pourtant, Nicolas Durand de Villegagnon (1510-1571) a une histoire qui mérite d’être racontée, tant elle a traversé les continents, jusqu’au Brésil.
Ce périple, Catherine Pierron s’y est intéressée à l’occasion du passage du festival Inventio à Bannost-Villegagnon, le 28 septembre 2024. La présidente de l’événement lui a consacré une conférence : « C’est un véritable et passionnant personnage de roman, qui a d’ailleurs inspiré Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin, prix Goncourt 2001 », dévoile-t-elle.
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Né en 1510 à Provins, rue Saint-Thibault, Nicolas Durand de Villegagnon est issu d’une famille bourgeoise. Il est le fils du procureur et conseiller du roi de France, anobli par François Ier, qui adoptera le nom de Villegagnon et fera l’acquisition d’une ferme-château, située dans le village qui porte encore aujourd’hui son nom.
« Nicolas de Villegagnon, lui, fait ses humanités à Paris, ce qui lui a permis d’acquérir une solide culture, raconte Catherine Pierron. Après des études de droit à Orléans (Loiret) où il rencontre le théologien protestant Jean Calvin, il devient avocat en 1530 au Parlement de Paris. » Mais sa carrière sera de courte durée : « Dès son discours de réception, il se montre insolent et est renvoyé. »
Charles Quint, Henri II, Marie Stuart… la carrière religieuse et militaire tumultueuse de Villegagnon
À 21 ans, Nicolas de Villegagnon se tourne donc vers les ordres, et pas n’importe lequel. Sous la protection du grand maître Villiers de l’Isle-Adam, par ailleurs son oncle, il devient chevalier de l’Ordre de Malte en 1531, et prononce ses vœux d’obéissance, de chasteté, de pauvreté.
Dix ans plus tard, il se met au service du pape et de son bras séculier, Charles Quint, et prend part à l’expédition d’Alger, puis au voyage qui amène la reine d’Écosse, Marie Stuart, à la cour de France en 1548, où elle doit se marier avec le jeune dauphin François II.
« À la tête de quatre galères, Villegagnon force le blocus anglais pour ramener la reine en France, où elle débarque le 13 août à Roscoff, précise Catherine Pierron. Esprit curieux et cultivé, introduit dans tous les cercles influents et intellectuels de son époque, Villegagnon fréquentera également les cours italiennes et montrera sa passion pour les poètes et son admiration pour Érasme, Marot, Ronsard, et l’art italien. Il essaiera de concilier l’idéal chevaleresque du Moyen Âge et les idées nouvelles sur le monde et la foi. »
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En 1551, il tente ensuite, sans succès, de défendre Tripoli (actuelle Libye) contre les Turcs. Puis se voit charger de renforcer les défenses de Brest (Finistère) et de réparer les fortifications de la ville bretonne.
Villegagnon, précurseur de la fondation de Rio de Janeiro
En 1555, l’idée de s’implanter au Brésil gagne le roi Henri II et Villegagnon. Nommé vice-amiral de Bretagne et converti au protestantisme, ce dernier reçoit le commandement de la flotte que le souverain met à la disposition de Coligny, pour installer une colonie protestante au Brésil.
« Homme de mer, juriste, militaire, aventurier, homme de foi, c’est l’homme de la situation, surtout dans le contexte de rivalité avec le Portugal et l’Espagne, note Catherine Pierron. Le Brésil était dans l’air du temps, mais jusqu’à présent, les échanges étaient surtout marchands. »
En novembre 1555, après une épopée maritime de trois mois, Nicolas de Villegagnon arrive donc dans la baie de Guanabara, future baie de Rio, accompagné par 600 colons composés de marins, artisans, enfants, ou encore de repris de justice.
Il fait construire le fort Coligny avec l’objectif d’en faire la capitale de ce qu’on appellera la « France Antarctique ».
L’édification de cette colonie française se fera sur une île, l’embryon de Rio de Janeiro, appelée encore aujourd’hui « île de Villegagnon » (voir carte ci-dessous).
Vice-roi du Brésil, tortures et querelles religieuses
L’amiral Nicolas Durand de Villegagnon, commandeur de l’ordre de Malte, est par la suite nommé vice-roi du Brésil de 1555 à 1558. « Saisi par le doute concernant l’Église et inspiré par Calvin qui incarne l’homme du retour aux simplicités des premiers temps de l’église, Villegagnon voit dans le Brésil la possibilité de faire du site de la colonie un lieu de paix conforme à la frugalité des origines, détaille Catherine Pierron. Il croit alors pouvoir créer un modèle de ‘cité de Dieu’, tolérante, une terre vierge où tout est à construire avec un peuple à l’état de nature. »
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Problème, il revient à la foi catholique et finit par s’opposer aux protestants de la colonie, une querelle qui le pousse à regagner la France en 1559, trois ans après son arrivée au Brésil.
Symbole des contradictions qui auront émaillé sa vie, Nicolas Durand de Villegagnon a laissé derrières plusieurs « légendes noires », dont notamment des actes violents envers ses colons.
« La nudité et l’état de nature chez les Indiens et Indiennes se heurta à la moralité exigeante de Villegagnon, qui tenta de maintenir ses 600 hommes dans l’abstinence, puisqu’il n’y avait pas de femme dans l’expédition, rappelle Catherine Pierron. Les châtiments et tortures imposées par Villegagnon à ses hommes furent d’une cruauté à la hauteur de son exigence morale et de sa déception face à l’écart entre ses aspirations et la réalité. »
De retour en France, l’explorateur poursuivra une autre lutte, celle contre le protestantisme, en prenant part aux guerres de religions. Blessé au siège de Rouen (Haute-Normandie) en 1562, il est ensuite nommé gouverneur de Sens (Yonne) en 1567, avant de mourir en 1571.
« Fort Coligny, lui, tombera aux mains des Portugais dès 1560, conclut Catherine Pierron. Mais l’île de Villegagnon existe toujours et se nomme toujours ainsi. Elle accueille aujourd’hui l’école navale de la Marine brésilienne. »
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