Aventures politiques, fixette sur le drapeau : comment les monarques ont géré l’exil… et n’en sont jamais sortis

Aventures politiques, fixette sur le drapeau : comment les monarques ont géré l'exil..

L’Exil des monarques (Armand Colin), dirigé par Hélène Becquet livre, à travers l’analyse d’historiens, une réflexion résolument neuve sur la période de la Révolution française, en se penchant sur la notion d’exil, à la fois conséquence de l’abdication des souverains, et moyen de reconquête du pouvoir.

La décapitation de louis XVI en 1793 précipite un mouvement qui verra au fil des années et des décennies les prétendants au trône se disperser aux quatre coins de l’Europe pour y attendre des jours meilleurs. À travers les trajectoires tourmentées des Bonaparte, des Bourbons et des Orléans, où se mêlent intrigues politiques, ambitions personnelles, destins foudroyés, nous assistons tout au long du XIXe siècle, aux soubresauts de la révolution, et au crépuscule des régimes monarchiques.

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C’est que le dernier des (vrais) candidats à la royauté, le comte de Chambord, a ruiné ses chances de restaurer le trône des Bourbons, en refusant d’adopter la cocarde et le drapeau tricolore ! Cet ouvrage érudit, rythmé par les histoires des princes proscrits, nous permet de comprendre que l’instauration d’un régime républicain a pris du temps et beaucoup de chemins de traverse, dont les chemins de l’exil pour beaucoup.

Marianne : Les princes ont été balayés par les aspirations nationales et libérales de 1789, 1830, 1848 malgré la volonté de certains (Louis XVIII, Napoléon III et Louis Philippe), de porter la cocarde tricolore pour s’adapter au goût du temps. C’était s’adapter ou disparaître ? Ces derniers auraient-ils pu réussir ?

Hélène Becquet : Je pense, effectivement qu’il était nécessaire pour les princes de s’adapter. Certains ont mieux réussi que d’autres. Chez les Bourbons, Louis XVIII, qui n’a jamais, à proprement parler, adopté la cocarde tricolore, a accepté néanmoins l’idée d’une monarchie un peu plus libérale contrairement à son frère Charles X, attaché aux mœurs de l’ancien régime. Pour les Bonaparte, dont la dynastie est née de la révolution, leurs représentants, à savoir Napoléon Ier et son neveu Napoléon III, ont su s’adapter aux évolutions politiques et se sont approprié les idées révolutionnaires.

« Le Comte de Chambord n’était pas l’homme des compromissions. Alors que politiquement, la restauration monarchique est imminente, il refuse toujours le drapeau tricolore. »

Toutefois, ce qui a finalement causé leur chute, ce sont les nombreuses guerres du premier et la défaite de Sedan pour l’autre. Enfin, pour Louis Philippe (branche des Orléans), c’est peut-être d’une certaine façon, le cas le plus étrange, puisqu’il a tout fait pour adopter une monarchie plus libérale, et pourtant, au bout du compte, cela n’a pas marché. Alors s’adapter était-il impossible ? Je ne le pense pas, et eux ne le pensaient pas non plus, c’est la raison pour laquelle ils ont continué à se battre.

Le comte de Chambord, « l’enfant du miracle » (il était le dernier espoir des Bourbon, son père le duc de Berry, ayant été assassiné alors que son épouse était enceinte), exilé quarante-trois ans, reste une figure énigmatique. Sans héritier, alors qu’on lui offre la couronne, il la refuse puis semble se raviser mais trop tard ! Manquait-il de sens politique ?

C’est encore une vraie question. D’abord, c’était un homme intelligent, convenablement éduqué. Il avait des idées très réactionnaires ; traditionaliste, intransigeant sur le plan religieux, et ultraroyaliste sur le plan politique. Ensuite, il était plutôt bien informé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Effectivement, on se dit qu’il aurait pu accepter le drapeau tricolore, à l’instar du roi Henri IV, qui s’était converti au catholicisme avant de pouvoir être sacré roi de France (on lui aurait attribué ce mot fameux : « Paris vaut bien une messe »). Mais le Comte de Chambord n’était pas l’homme des compromissions. Alors que politiquement, la restauration monarchique est imminente, il refuse toujours le drapeau tricolore. En voulant avoir le dernier mot, il a perdu la couronne pour un symbole !

Les morts tragiques de Louis XVI, des ducs de Berry, d’Enghien, et des dauphins (Louis XVII, l’aiglon, le prince louis). Les destins contrariés d’héritiers détrônés n’ont-ils pas donné à ces personnages une dimension mythique qui continue de nous fasciner ?

C’est le côté tragique de ces destins d’exilés qui auraient pu advenir, et qui ne sont pas advenus, et c’est la répétition de ces échecs qui nous fascine. Napoléon Ier, pour parler finalement du plus célèbre des exilés, continue à nous captiver à cause de son destin hors du commun, érigé en mythe, et de sa fin pathétique voire mélancolique qu’il a su mettre en scène dans ses écrits. Il y a des histoires touchantes comme celle de l’aiglon, son fils. Alors que celui-ci prend tout juste conscience de sa filiation et c’est là vraiment la fatalité dans sa forme la plus absolue, la tuberculose l’emporte à l’âge de 21 ans.

« Napoléon III se situe dans la filiation des héros romantiques en menant une vie de proscrit, d’aventurier, qu’il met en scène, ce qui lui permet de prendre un certain avantage sur le plan politique. »

Est-ce qu’il aurait pu reconquérir son trône ? Je ne sais pas, il y aurait une belle uchronie à écrire sur Napoléon II. Napoléon III se situe dans la filiation des héros romantiques en menant une vie de proscrit, d’aventurier, qu’il met en scène comme son oncle avec un certain talent, ce qui lui permet de prendre un certain avantage sur le plan politique.

À la fin du siècle, certains princes semblent résignés, le romantisme de l’exil lié à l’ère des révolutions a disparu. Chez les descendants des Bonaparte, c’est évident. Le prince Victor va travailler la mémoire de ses illustres aïeux, plutôt que se lancer dans le combat politique… À partir des années 70-80, vous êtes dans un autre mode de relation au temps, l’époque de la modernité qui ne fait plus place à la nostalgie

Les têtes couronnées bannies de France ont tenté de maintenir leur survie politique et leur lignée royale à tout prix, dans un pays pourtant gagné par les idées révolutionnaires. Elles semblent néanmoins y avoir trouvé suffisamment de partisans. Comment l’expliquez-vous ?

Parce que les Français n’ont pas tous été partisans de la révolution qui, elle-même, a connu plusieurs étapes. Ainsi la révolution du début n’impliquait pas nécessairement la survenance de la république. La France est restée une monarchie constitutionnelle jusqu’en 92. Pour beaucoup de citoyens, révolutionnaires ou pas, l’idée d’une monarchie moderne garantissant les libertés, était tout à fait recevable. Donc finalement, l’option républicaine n’était pas une évidence. L’expérience de la première république de 1792 à 1804 n’a pas laissé que d’excellents souvenirs dans l’opinion française.

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L’exemple vers lequel tous les hommes monarchistes modérés se tournent au XIXe siècle, c’est le système monarchique parlementaire britannique, qui devient très vite le système politique idéal pour la France post-révolutionnaire. Si l’Europe se modernise au XIXe siècle, les régimes politiques quant à eux restent, majoritairement, monarchistes. La France, elle, est une exception lorsqu’elle choisit la République en 1879 et ce, de manière définitive, avec l’élection de Jules Grévy.

Les prétendants en exil dispersés et sans armée réelle, ont dû faire face à l’éloignement des réalités politiques d’une France divisée, au soutien modéré des monarchies étrangères, et pendant leur retour, à de nombreuses insurrections et attentats. Est-ce le sens de l’histoire et le printemps des peuples qui a fait vaciller les trônes ou les nombreux clivages dynastiques autour des successions ?

C’est une question difficile, mais je dirais les deux. Louis Philippe abdique en 1848, parce que d’une part, le régime s’est sclérosé et que d’autre part il subit une crise économique importante. Un mécontentement général s’est cristallisé autour de la personne du roi, l’orléanisme ne prend pas.

Il est vrai que la révolution de 1830, qui a éclaté sous Charles X et a débouché sur la Monarchie de Juillet, ultraroyaliste, a laissé deux grands pans de l’opinion française profondément insatisfaite : les légitimistes, qui ne voulaient pas de cette monarchie-là, et les républicains, qui eux voulaient franchement une république.

« Finalement c’est de Gaulle, de tradition familiale royaliste qui émerge et s’impose alors qu’il n’est qu’un parfait inconnu. »

S’il est vrai que la France s’inscrit bien dans le mouvement international du printemps des peuples, je dirais que c’est vraiment la conjoncture intérieure agitée qui a permis le basculement, en faveur de la deuxième république. La mort accidentelle, à 31 ans, du fils aîné de Louis-Philippe, a cassé l’espoir d’un renouveau politique à moyen terme. Ce dernier était beaucoup plus libéral et populaire que son père et donc, sans doute, plus capable, en ralliant la gauche, de faire basculer l’orléanisme dans une monarchie républicaine. On peut faire l’hypothèse que si le duc d’Orléans avait vécu, peut être que la monarchie se serait installée.

Que reste-t-il du royalisme aujourd’hui ?

En termes d’idées politiques, toutes celles qui ont pu être véhiculées par les monarchies constitutionnelles du XIXe siècle, se sont ensuite dispersées dans le spectre politique. Par exemple, le grand cheval de bataille des légitimistes, pendant la monarchie de juillet, c’était d’obtenir la décentralisation. Or, cette préoccupation, au fil du temps, est passée à gauche de l’échiquier politique. À l’inverse, le nationalisme, l’antisémitisme de Maurras se sont ensuite retrouvés à l’extrême droite républicaine. Donc finalement, les héritages politiques ne sont pas linéaires. Il reste des gens qui continuent à penser qu’il faudrait une monarchie en France. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils étaient nombreux à y croire.

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Le comte de Paris avait sans doute une carte à jouer à cette occasion. Or, il n’a pas voulu s’opposer à Pétain, ou a cru que ce dernier l’aiderait à restaurer la monarchie comme l’avait déjà imaginé Louis XVIII en sollicitant l’aide de Bonaparte pour « restaurer la gloire de la France » ! C’est sans doute également parce qu’une partie de l’Action Française, Maurras le premier, s’est rangée du côté de Pétain.

En fait, le comte de Paris s’est trompé de combat. Quand il s’en rend compte, c’est trop tard. Finalement c’est de Gaulle, de tradition familiale royaliste qui émerge et s’impose alors qu’il n’est qu’un parfait inconnu. Il récupère, très habilement, toute une partie des aspirations héritées de la contre-révolution du XIXe siècle et d’une partie des monarchistes.

Finalement la France n’a plus besoin de roi ! Aujourd’hui, le royalisme est un courant minoritaire, mais qui est actif. Le combat est d’abord mémoriel, autour des valeurs, des principes, certains vont se retrouver dans la Manif pour Tous par exemple, pour défendre des valeurs catholiques. Et je dirais, effectivement, que s’ils soutiennent un prétendant, c’est pour le moment sans illusion. Car aucun des prétendants, actuellement, n’est dans une situation qui lui permettrait de reconquérir quoi que ce soit.

Les deux derniers prétendants épousent au XXe siècle le nationalisme et l’antisémitisme, qui sont des affects d’extrême droite, portées par l’Action française de Maurras. Ce royalisme n’a pourtant rien à voir avec celui de leurs aïeux. Pouvez-vous nous expliquer ?

Il faut redonner une espèce de cadre idéologique pour le XXe siècle. C’est alors le duc d’Orléans, donc le fils du premier comte de Paris, qui va, en quelque sorte, atteler la cause royaliste à l’Action française, épouser ce nationalisme antisémite dans lequel tous les royalistes ne se reconnaissent pas. Ses successeurs vont prendre du recul, mais hésitent à rompre, parce que l’Action française domine alors le royalisme de toute sa puissance tout en l’enfermant. Dans les années 30, il y a une volonté d’émancipation, facilitée par la condamnation de l’Action française par le pape en 1926. Mais la guerre arrive. Le comte de Paris va finir par tout rater.

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Hélène Becquet, L’exil des monarques, Armand Colin, 240 p., 23 €

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