Enquête étudiante – En Bretagne, l’enseignement catholique est-il encore vécu comme une tradition religieuse ?
Ce travail d’enquête a été mené dans un cadre universitaire par sept étudiants en journalisme de l’IUT de Lannion. De la thématique générale de la religion, un large balayage de l’actualité et des problématiques liées a conduit à un paradoxe : la pratique de la religion catholique baisse alors que, dans le même temps, la proportion d’élèves scolarisés dans le réseau de l’enseignement catholique en Bretagne augmente.
A travers sept épisodes, Steven Couzigou, Chloé Crochu, Naomie Jourand, Valentin Longuet, Paul Louault, Théo Quintard et Matthieu Renard apporteront des éléments de réponse à la question suivante : En Bretagne, l’enseignement catholique est-il encore vécu comme une institution religieuse ?
Enquêtes d’actu publie ce travail dans le cadre d’un partenariat signé avec cette école de journalisme.
La douce lumière du jour baigne le foyer des étudiants de ses rayons. Sur des affiches collées au mur s’exposent les scouts unitaires de France, les Guides et Scouts d’Europe, les collectes de carême. Un crucifix surplombe le tout. Pour Lucie, Éléonore, Clémentine, Jade et Léa*, pas question de s’attarder sur la décoration, l’heure est à la concentration. Les cinq étudiantes en première année de master à l’Institut supérieur de formation de l’enseignement catholique (Isfec) de Bretagne, à Rennes (Ille-et-Vilaine), se sont retrouvées pour réviser.
Bien qu’un institut de formation publique offrant les mêmes cours se trouve à seulement deux kilomètres, les amies âgées d’une vingtaine d’années ont préféré s’installer ici pour les deux prochaines années. Après avoir déboursé 3 000 euros dans cet établissement privé sous contrat avec l’État, elles pourront passer le concours et, si elles l’obtiennent, rejoindre les rangs des 134 000 profs de l’enseignement catholique en France.
« À la fac publique, pas de suivi et beaucoup de grèves »
Le nez devant son ordinateur, Lucie, une jeune blonde de 22 ans, avoue que la religion n’a pas compté au moment de rentrer à l’Isfec : « Le public n’a pas une très bonne réputation, je ne voulais pas y aller. » Clémentine, sa camarade de promo aux yeux noisettes, approuve et s’appuie notamment sur sa mauvaise expérience à la fac publique de Lorient où elle a passé sa licence de langue étrangère (LLCER). « À la fac, ils s’en fichent. Il n’y a aucun accompagnement, pas de suivi et beaucoup de grèves. » Autour de la table le reste du groupe acquiesce et confirme ne pas accorder tant d’importance à l’enseignement religieux. Sauf Léa : « J’ai fait ma communion, mon baptême et tout mon cursus dans le privé. C’est assez ancré dans ma famille. Parfois, je prie. »
Lorsqu’on évoque les motivations des élèves, Éric Tourelle, responsable pédagogique du second degré à l’Isfec de Bretagne depuis plus de 15 ans, préfère mettre en avant les arguments publicitaires qu’on retrouve lors des portes ouvertes : un cadre sécurisant, un effectif à taille humaine et une attention particulière portée à l’accompagnement et au suivi des étudiants. Le tout y est saupoudré de la volonté « de faire vivre le projet de l’enseignement catholique », souligne l’homme de 62 ans aux cheveux poivre et sel, qui achève sa dernière année dans l’institut rennais.
L’école de la pensée catholique
Dans leur cursus, les apprentis professeurs de l’Isfec suivent un module de formation particulier : l’anthropologie chrétienne. Dispensé sur une période d’environ 30 heures sur les deux années de formation, ce cours n’est pas donné dans le public (les Inspé). Selon Éric Tourelle, il ne s’agit pas d’un cours de catéchisme. Au programme : l’histoire des pères fondateurs de l’enseignement catholique, ses principes et une initiation à la pastorale. L’objectif de ce dernier atelier : former les futurs profs à ce temps d’animation en établissement auprès des élèves qui veulent approfondir leur foi.
Laurent Foucher, professeur de mathématiques au lycée Saint-Joseph à Bruz et formateur à l’Isfec de Rennes, est l’un de ses intervenants. Fort de ses 22 ans d’expérience dans l’enseignement catholique, il souligne que leur « conception de la personne est basée sur les valeurs de l’Évangile ». Selon lui, chacun peut trouver sa place en fonction de ses convictions, à condition qu’elles soient en phase avec cette perception ou en tout cas, ne s’y opposent pas.
Il n’empêche, des intervenants à l’Isfec de Rennes tiennent parfois des propos plus religieux que pédagogiques. « Certains se prennent pour des prophètes. Leur discours et leur vocabulaire le laissent penser », confie Éléonore, en première année de master. Sourire aux lèvres, Lucie complète l’anecdote : « Un intervenant est venu nous parler de l’environnement. Il nous a dit que Greta Thunberg était une prophète et que le chemin l’avait amenée vers l’environnement. » D’une manière moins flagrante, les étudiants sont régulièrement confrontés à des citations bibliques ou à des références religieuses. « On a eu des cours sur le harcèlement scolaire et, dans le diapo, on avait une citation de Saint-Matthieu. Ils arrivent vraiment à ancrer la religion partout », souffle Clémentine.
Les 24 Isfec sont pourtant des établissements privés sous contrat avec l’Etat, soumis à des obligations, notamment en matière de programmes et d’examens. Ils doivent respecter les principes de laïcité et de neutralité religieuse au sein de leurs formations. Leur contrôle est assuré par le rectorat de l’académie concernée, en collaboration avec l’État et les autorités ecclésiastiques. En cas d’infraction aux règles, des mesures allant d’un simple avertissement à une enquête peuvent être prises par l’institution.
Par exemple, dans une autre région, en février 2021, le syndicat Unsa-Snep avait dénoncé au rectorat de Normandie un acte de prosélytisme religieux à l’Isfec de Caen (Calvados), lors d’une session de formation intitulée « moment de réflexion pastorale sur le jeûne ». L’alerte portait sur le contenu qui aurait eu pour objectifs « d’accueillir ensemble davantage la résurrection du Christ » et « d’imaginer ce qui serait faisable pour permettre à vos élèves de vivre ce temps de carême et de découvrir qu’ils sont appelés à accomplir ce qu’ils sont aussi : des enfants de Dieu ». Christine Gavini, la rectrice de l’académie de Caen, avait indiqué avoir « rappelé à la direction de Formiris Normandie [Formiris a passé une convention avec l’État pour la formation d’enseignants des établissements privés sous contrat sous tutelle du ministère, ndlr] que les modules de formation à caractère religieux doivent impérativement être proposés à titre facultatif ».
La vraie sélection
En Bretagne, au moment de rentrer en formation, les candidats n’ont pas toujours une idée précise de l’enseignement catholique, de ses valeurs et de la façon de les transmettre. Cet apprentissage se fait directement lors du cursus. Cependant, une attente existe au moment du pré-accord collégial, sésame pour exercer dans les 80 lycées sous-contrat bretons. « C’est un entretien avec deux chefs d’établissement qui porte sur les motivations de l’étudiant et sa connaissance du projet de l’enseignement catholique pour voir s’il y adhère », précise Eric Tourelle, le responsable pédagogique du second degré à l’Isfec de Bretagne.
Un moyen pour l’institution de séparer le bon grain de l’ivraie. Le refus du pré-accord collégial peut entraîner l’impossibilité d’effectuer certains types de stages, de passer le concours de l’enseignement privé (CAFEP) ou encore de travailler dans un établissement privé.
Au détour de cet entretien de routine, les étudiants doivent répondre à des questions en apparence banales. Mais rapidement, le ton peut changer et les interrogations se porter sur la religion. L’aumônerie, la visite d’églises, la pastorale… Autant de thèmes abordés qui ne laissent aucune place à la neutralité. Les réponses doivent aller dans le sens de l’enseignement catholique, sous peine de refus de pré-accord. C’est ce qu’a vécu Clémentine. « Au début, on m’a posé des questions de présentation, puis, ça a commencé à dériver. On m’a demandé ce que je pensais de l’aumônerie, comment m’y impliquer ou encore si je visitais des églises. Je leur ai dit oui », confie-t-elle avec un air ironique avant de poursuivre plus sérieusement : « J’ai une camarade de promo qui a dit franco qu’elle n’en avait rien à faire d’être dans le public ou dans le privé et elle ne l’a pas eu ».
Lucie, sa camarade, confirme elle aussi s’être sentie obligée de répondre dans le sens des attentes de leurs interlocuteurs. « Il m’ont demandé si j’étais prête à m’engager dans la pastorale. Évidemment, j’ai répondu oui », lâche-t-elle sur le même ton que son amie. Avant d’avouer : « On est obligé de mentir. »
*Les prénoms ont été modifiés.
Les épisodes précédents :
« En Bretagne, l’enseignement catholique ne disparaîtra pas »
À Ploërmel en Bretagne, le nouveau lycée public inquiète encore
En Bretagne, l’enseignement catholique joue collectif face à la baisse démographique
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