Pourquoi le synode de l’Église catholique est-il déjà historique avant même d’avoir commencé

Pourquoi le synode de l'Église catholique est il déjà historique avant même d'avoir commencé

Avec un ordre du jour qui prévoit d’aborder les questions les plus taboues au sein de l’institution et un processus ouvert aux laïcs et aux femmes, le synode sur l’avenir de l’Église catholique qui s’ouvre mercredi à huis clos à Rome est inédit à de nombreux égards. Une petite révolution voulue par le pape François mais qui inquiète la frange la plus conservatrice des cardinaux.

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Avant même ses conclusions, l’événement marque un tournant dans l’histoire du catholicisme. Le pape François ouvre mercredi 4 octobre à Rome la 16e Assemblée générale ordinaire du synode des évêques, assemblée consultative créée par le pape Paul VI en 1965 pour discuter des grandes orientations de l’Église.

Ce synode, censé imaginer l’avenir de la gouvernance de la plus vieille institution du monde confrontée à une crise des vocations et à une baisse du nombre de fidèles en Occident, ne devrait toutefois ressembler à aucun autre.

Sur la forme d’abord : c’est la première fois qu’une telle assemblée est précédée d’une consultation de simples fidèles. Pendant deux ans, 1,3 milliard de catholiques ont été invités à s’exprimer sur leur vision de l’Église et des sujets de société.

« Il y a eu une volonté de la part du pape que cette consultation se fasse à partir de la base, c’est-à-dire à partir des paroisses, les plus petites unités dans l’Église. C’est quelque chose de nouveau même s’il y a eu de nombreux filtres avant que tous ces avis ne remontent », précise Christine Pedotti, essayiste et directrice de la revue Témoignage chrétien, classée à gauche.

Mais ce synode se distingue surtout par le profil inédit des 464 participants, dont 365 ayant le droit de vote, qui se réuniront chaque jour pendant quatre semaines. Parmi eux, 96 ne sont pas des évêques. Mieux, 54 sont des femmes : une petite révolution au sein de l’Église où le synode est traditionnellement dominé par la figure masculine de l’évêque.

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« C’est presque une contradiction dans les termes, puisque, du point de vue du droit canonique, le synode, c’est une réunion d’évêques. Et voilà qu’y participent des gens qui ne sont pas clercs et même des femmes », note Christine Pedotti. « C’est quasiment miraculeux et cela bouleverse totalement les usages, puisqu’il y avait a priori un privilège absolu pour que la gouvernance dans l’Église catholique revienne exclusivement à des hommes célibataires et clercs. »

Les conservateurs font de la résistance

Cette démarche innovante initiée par le pape François n’a pas tardé à susciter le malaise chez un certain nombre de conservateurs, qui s’inquiètent d’une dilution de leurs prérogatives et d’un affaiblissement de l’institution.

« Au sein des évêques, il y a une culture ecclésiastique. Avec les laïcs, elle ne fonctionnera plus : ils ne vont pas se contenter de bonnes paroles, il y aura une exigence sur la procédure, la volonté de changement, l’efficacité », assure un observateur avisé du Saint-Siège auprès de l’AFP.

Outre la volonté d’instaurer un fonctionnement moins pyramidal, le pape François a souhaité que le synode aborde une multitude de sujets sensibles voire tabous remontés par les fidèles : les violences sexuelles, les prêtres mariés ou encore la question de l’accueil des personnes divorcées ou homosexuelles.

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« Dans le synode, il n’y a pas de place pour l’idéologie », avait mis en garde François début septembre alors que le Saint-Siège ne cesse d’insister sur l’importance du dialogue et l’importance du « marcher ensemble ».

Mais là encore, la frange la plus conservatrice de l’Église fait de la résistance. Cinq cardinaux ont ainsi publiquement demandé lundi au pape François de réaffirmer la doctrine catholique au sujet des couples gays et de l’ordination des femmes.

En juillet, ces cardinaux avaient déjà publié une liste de « dubia » (« doutes », en latin, soit une série de questions posées formellement au pape, selon le droit canon), auxquelles le pape avait répondu.

N’étant pas satisfaits de cette réponse, les signataires ont publié une lettre ouverte aux catholiques. Ils y expliquent, « devant la gravité de la matière », avoir le « devoir d’informer » les fidèles « afin qu’[ils] ne soient pas sujets à la confusion, à l’erreur et au découragement ».

Lundi, le Vatican a renvoyé vers la réponse où le pape affirmait que la « révélation divine » est « immuable », tout en affirmant que l’Église a « besoin de grandir dans sa compréhension ».

Les limites d’une « révolution »

Si ce synode représente un effort sans précédent pour imaginer une Église plus ouverte et dotée d’une gouvernance moins verticale, le processus de décision reste en réalité largement aux mains des clercs.

Ainsi, la synthèse de la grande consultation des fidèles voulue par le souverain pontife a été rédigée par des évêques. Ces derniers resteront aussi très majoritaires au sein de cette assemblée romaine malgré la présence inédite de femmes et de laïcs. Enfin, les conclusions du synode n’ont aucune valeur contraignante. Au final, c’est bien le pape François qui aura le dernier mot.

« Le Synode sur l’Amazonie [en 2019] avait par exemple demandé de façon très explicite qu’on envisage l’ordination d’hommes mariés. Certains ont alors pensé que le pape allait franchir le Rubicon. Finalement, il ne l’a pas fait », rappelle Christine Pedotti.

Enfin, cette version moderne et « démocratique » du synode pourra-t-elle survivre au pontificat de François ? « On a mis le doigt dans un engrenage, le prochain synode ne pourra plus reculer », juge l’observateur du Saint-Siège cité plus haut. « En ce sens, François fait bouger les lignes, c’est pourquoi beaucoup ont peur. »

« Le problème, c’est que ces évolutions ne sont pas inscrites dans le marbre », estime de son côté la directrice de Témoignage chrétien. « Or, la société catholique est une société d’origine romaine dans lequel le juridisme prévaut. »

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Après la tenue de cette assemblée, une deuxième session aura lieu en octobre 2024, à la suite de laquelle le pape pourrait éventuellement prendre en compte les conclusions de ces travaux dans un document officiel.

En attendant, peu d’informations devraient filtrer sur le contenu des discussions qui se dérouleront à huis clos à Rome. Le Vatican a d’ores et déjà annoncé qu’il limiterait la communication jusqu’à la fin de l’événement, prévue le 29 octobre.

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