Ce renouveau catholique que révèle le nombre de baptêmes d’adolescents et d’adultes pour Pâques

Ce renouveau catholique que révèle le nombre de baptêmes d’adolescents et d’adultes pour Pâques

Une catéchumène d’Italie reçoit le baptême du pape François lors de la messe de la Veillée pascale le 16 avril 2022 à la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Atlantico : Plus de 12.000 adultes et adolescents seront baptisés à Pâques cette année en France. Derrière ce chiffre impressionnant enregistré par l’Eglise catholique, le nombre d’adultes (7100) progresse de plus de 30% en un an et celui des adolescents (5000) de plus de 50 %. Comment expliquer ce renouveau catholique et cette progression des baptêmes à l’occasion de Pâques ? Comment expliquer ce phénomène et quelle est la réalité de cet engouement ?

Jean-Baptiste Noé : Il y a en effet, depuis une dizaine d’années, une hausse régulière des baptêmes d’adultes : 3 400 en 2013, 5 400 en 2023 pour une moyenne d’environ 4 200 chaque année.

La foi catholique, que beaucoup disait en déshérence et destinée uniquement à une population vieillie, connait en réalité une nouvelle forme de dynamisme. L’accroissement du nombre de baptêmes est l’aboutissement d’un regain de la foi qui se manifeste dans de nombreuses démonstrations publiques du culte : les pèlerinages nationaux et locaux font le plein, il y a toujours du monde à la messe dominicale, les mouvements de jeunes, que ce soit le scoutisme ou les patronages, attirent et se développent. Ce qui se passe aujourd’hui, personne ne l’avait prévu il y a 20 ans et il y a 40 ans en arrière personne ne pouvait l’imaginer.  

À quoi est dû ce renouveau ? À plusieurs facteurs, mais notamment au grand dynamisme des laïcs, engagés dans de nombreux mouvements et associations, et aux familles catholiques qui, en France, ont mieux tenu qu’ailleurs en Europe, et qui sont les premières cellules d’évangélisation.

Bernard Lecomte : Ce chiffre est impressionnant, certes, parce qu’il vient contredire un long processus de déchristianisation de la société française. Le nombre de catholiques pratiquants ne cesse de baisser, en France, depuis les années 1960. Leur nombre tourne aujourd’hui, selon toutes les enquêtes, autour de 2 à 4 % de la population. En quelques décennies, les nouvelles générations ont vu le nombre de baptisés diminuer, au point que la transmission quasi-automatique de la pratique chrétienne s’est pratiquement arrêtée. C’est ce qui explique qu’on observe, dans les nouveaux baptisés, une telle proportion d’adultes et d’adolescents : il est bien fini, le temps où les familles françaises procédaient naturellement au baptême des nouveau-nés aussitôt après la naissance !

Mais cette hausse inattendue du nombre de baptêmes ne doit pas faire illusion. Il serait imprudent, pour l‘Eglise, d’y voir une inversion spectaculaire du processus de déchristianisation de la société française ! La chute des pratiques et des vocations avait atteint connu une telle accélération, depuis une vingtaine d’années, qu’elle occultait tous les phénomènes de conversion, de renouveau, voire de résistance assurant la permanence du christianisme dans la France d’aujourd’hui. Or, si l’Eglise catholique semble être devenus une association comme les autres, on aurait tort de ne pas souligner l’importance qu’elle a gardée dans le patrimoine, la culture, l’édition, les médias, etc, etc. 

Qu’est-ce que cela traduit et nous dit sur l’Eglise catholique et son évolution ? Est-ce lié à un regain de religiosité, de foi et de pratique ?

Jean-Baptiste Noé : Cela démontre que l’Église n’est pas morte et que toutes les analyses sociologiques et pseudo-marxistes portées depuis les années 1960 se sont trompées. Non seulement il y a un regain des baptêmes et de la foi en général, mais ces populations sont aussi en demande de messes mieux célébrées, de liturgies plus soignées et fidèles au missel romain. Les temps de prière, d’adoration au Saint-Sacrement et de confession sont en essor. La foi catholique n’est plus vécue uniquement comme le fait de participer à des activités sociales, mais d’abord et avant tout comme une rencontre personnelle avec le Christ. 

Bernard Lecomte : Ces chiffres montrent que l’Eglise catholique, même marginalisée, n’est pas en voie de disparition. La foi chrétienne n’est pas une mode fugace, un engouement passager. Elle est une donnée fondamentale de la culture française, comme on a pu le mesurer lors de l’incendie de Notre-Dame. Rappelons que la France est régulièrement qualifiée par ses dirigeants de « fille aînée de l’Eglise », une expression qui rappelle qu’elle s’est constituée en nation majoritairement chrétienne lors du baptême de Clovis en 496 ! On n’efface pas en quelques dizaines d’années plus de 1.500 ans de culture et de civilisation. On aurait tort de passer l‘Eglise par pertes et profits au prétexte que les églises de nos campagnes sont vides : l’expression de la foi, la spiritualité, l’engagement religieux n’ont plus les formes d’antan, mais elles perdurent dans une société elle-même en forte mutation.

Ce phénomène est-il lié à un engouement des jeunes ou est-ce plutôt lié aux adultes qui souhaitent être baptisés avant de se marier ?

Jean-Baptiste Noé : Si le nombre d’adultes baptisés augmente, c’est aussi que ces personnes n’ont pas été baptisées étant enfants. Le nombre de baptêmes d’enfants est en grande chute : 380 000 en 2000, 180 000 en 2019. Mais personne n’oblige ces enfants non baptisés à se faire baptiser adulte. Peut-être que certains demandent le baptême pour pouvoir se marier, mais cette cause utilitariste me parait peu recevable. D’une part parce que de moins en moins de monde se marie, et encore moins à l’église, d’autre part parce que le processus pour être baptisé est long, au moins 2 ans, de quoi décourager ceux qui n’ont pas une foi réellement ancrée.

Il est indéniable qu’il y a un réel retour de la foi, qui n’est pas majoritaire et qui reste faible au regard de la population générale, mais qui est réelle et en croissance.

Bernard Lecomte : Il est trop tôt, me semble-t-il, pour tirer des conclusions sociologiques aussi précises. Ainsi, une question se pose : ces nouveaux convertis, ces adultes qui n’ont pas hérité leur foi d’un baptême familial, vont-ils eux-mêmes baptiser leurs enfants ? Le renouveau de la foi passe-t-il aujourd’hui par les sacrements, les rites, et plus généralement par l’institution ecclésiale, ses règles, ses prêtres, ses références vaticanes ? Il est à noter que les nouveaux baptisés, quand on les interroge, parlent de spiritualité, de lumière, de générosité, d’amour, de fins dernières, voire de mysticisme, mais jamais de l’institution !

Est-ce prometteur pour les années à venir et pour l’Eglise catholique ? L’Eglise doit-elle revoir sa manière d’accompagner les personnes baptisées au regard de ce phénomène ?

Jean-Baptiste Noé : Tout réveil et tout regain est prometteur même si l’histoire n’est jamais gagnée d’avance. En revanche deux problèmes se posent à l’Église. Le premier est celui du temps de préparation au baptême, près de 2 ans, ce qui est trop long et trop fastidieux. D’autant qu’ensuite, et c’est le second problème, ces jeunes baptisés sont souvent peu accompagnés et beaucoup disparaissent. Le défi est donc de mieux accueillir et intégrer ces nouveaux chrétiens pour qu’ils puissent vivre leur foi après leur baptême.

Bernard Lecomte : Il est normal que les cadres de l’Eglise, prêtres ou laïcs, se réjouissent de cette « divine surprise » qui éclaire les fêtes de Pâques cette année. Un peu de lumière dans une période bien sombre ! De la Manif pour tous aux affaires de pédophilie, l’Eglise a connu bien des déboires et des drames, ces dernières années, qui ont assombri son horizon comme rarement dans une histoire pourtant mouvementée. Evidemment que ces chiffres vont faire l’objet de bien des réflexions chez les évêques de France, en particulier sur l’accompagnement proposé par l’Eglise à ces nouveaux arrivants. Mais on peut déjà parier que ces jeunes et ces moins jeunes ne vont pas se précipiter aveuglément dans des structures anciennes, dans des mouvements archaïques, dans une pratique religieuse dépassée : si les fondements et le cadre du christianisme restent les mêmes depuis deux mille ans, ce sont les croyants eux-mêmes qui portent les questions, les engagements, les débats internes, les pratiques nouvelles, les priorités vitales. Le christianisme est une religion vivante, et son avenir n’est inscrit nulle part !

Bernard Lecomte vient de publier « France-Vatican : deux siècles de guerre secrète » (Perrin, 2024)

Jean-Baptiste Noé a publié « François le diplomate. La diplomatie de la miséricorde » aux éditions Salvator

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